Histoire

Le XVIIIème Siècle

Cirey refuge amoureux et studieux

de Voltaire et de la Marquise du Châtelet

Voltaire 

De son vrai nom François Marie Arouet est né le 21 novembre 1694 à Paris. Fils de notaire, il est élevé par les jésuites et reçoit une formation solide. Il prend alors goût à l’art de la rhétorique, du théâtre et de la littérature et s’intéresse aux sciences. Il s’inscrit comme l’un des auteurs français les plus célèbres et comme le représentant le plus connu de la philosophie des Lumières.  
Voltaire marque le XVIIIème siècle par son œuvre littéraire mais aussi par ses combats politiques. Ses prises de positions lui valent une vie tumultueuse, d’abord emprisonné à la Bastille, il est exilé en Angleterre, pays qu’il apprécie tout particulièrement. Inspiré par ce séjour forcé, en 1734 il publie les "Lettres Philosophiques", vives critiques des institutions françaises au profit de l’Angleterre, ce qui lui vaut d’être à nouveau menacé d’emprisonnement.
Dès lors, il trouve asile chez son amie et maîtresse, la Marquise du Châtelet, en son château de Cirey. Il en fera ainsi sa résidence jusqu’en 1749, année de la mort de cette dernière.
Si le château de Ferney est bien connu pour avoir accueilli Voltaire lors des dernières années de sa vie, le château de Cirey abrita, quant à lui, la plus grande histoire amoureuse et intellectuelle du XVIIIème siècle.

Emilie du Châtelet

Née en 1706 à Paris Emilie est la fille de Louis Nicolas le Tonnelier, Baron de Breteuil, officier de la maison du Roi sous Louis XIV, introducteur des ambassadeurs,  et de Gabrielle Anne de Froulay.


Fait très rare pour une jeune femme à l’époque, Emilie reçoit un enseignement de grande qualité. 

Férue d’arts et de science, elle développe une véritable expertise en physique, astronomie, astrophysique et s’initie aux mathématiques. Elle se passionne aussi pour la danse, le théâtre et le chant. Emilie de Breteuil est dotée d’une intelligence remarquable et parvient à être reconnue et acceptée dans le cercle exclusivement  masculin des scientifiques de son temps.


En 1725, Emilie épouse le Marquis Florent Claude du Châtelet et part vivre à Semur-en-Auxois dont son époux est Gouverneur. Plus tard, elle retourne vivre à Paris où elle fait la connaissance de Voltaire. Ensemble, ils s’installent au château de Cirey, propriété familiale des du Châtelet.



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Voltaire au château de Cirey chez Emilie

Voltaire écrit à l'un de ses amis, évoquant Émilie :
"Tout en elle est noblesse, son attitude, ses goûts, le style de ses lettres, sa manière de parler, sa politesse... Sa conversation est agréable et intéressante."

S'il est sensible aux charmes d’Emilie, le philosophe succombe très vite à ceux de sa demeure. Il entreprend, à ses frais, d’importants travaux de restauration, agrandit le château pour y installer ses propres appartements et fait sculpter une imposante porte dédiée aux arts et aux sciences. Il aménage aussi un cabinet scientifique et commande les instruments auprès de l'Abbé Nollet, le grand spécialiste de l'époque. A l’extérieur, il s’intéresse aux jardins. Grille, terrasse, longues allées, orangerie, bosquet de tilleuls sont aménagés. 

Ce séjour est pour Voltaire une période de production littéraire intense. C'est à Cirey qu'il écrit : "Le Mondain", l'essai "Discours en vers sur l'homme", les comédies “Le Comte de Boursoufle" et "l'Enfant prodigue", et les tragédies "Alzire", "Mahomet" et "Mérope". Pour satisfaire sa passion, le philosophe installe dans le château un petit théâtre encore visible aujourd’hui.

De son coté, Madame du Chatelet n’est pas en reste. A Cirey, elle traduit et commente du latin, les célèbres "Principes mathématiques de philosophie naturelle" d'Isaac Newton décrivant notamment le principe de gravitation universelle. Cette œuvre scientifique majeure requière une traduction en français car c’est l’unique langue de communication des élites en Europe à l’époque. Voltaire écrira d’ailleurs dans la préface historique de l’ouvrage que le latin manque de mots pour expliciter les nouvelles "vérités mathématiques et physiques". Ce travail monumental occupe Émilie pendant les cinq dernières années de sa vie et la publication posthume est réalisée en 1756.

C’est à cette époque que la Marquise écrit également le "Discours sur le bonheur" entre 1744 et 1746 qui sera publié en 1779, après sa mort. Le Bonheur est un des grands thèmes philosophiques traité durant le siècle des Lumières, mais essentiellement par des hommes. Le texte d'Emilie du Châtelet offre alors un nouveau point de vue sur le sujet.

Voltaire et Emilie reçoivent à Cirey de nombreuses personnalités partageant leurs passions pour les sciences comme Pierre Louis Moreau de Maupertuis, Claude Clairaut, le Comte Algarotti ou encore le Père François Jacquier... 

Le Marquis Florant Claude du Châtelet, époux d’Emilie, tolère la présence de Voltaire et semble même entretenir des liens amicaux avec ce dernier. 


Emilie, une destin tragique


Si la passion amoureuse cède peu à peu la place à l’amitié, Voltaire et Emilie ne se quittent pourtant jamais. A 42 ans, elle tombe enceinte de son dernier amant, le poète Saint Lambert, et décède des suites de l'accouchement.


In extremis, elle réussit à terminer la traduction du traité de Newton et à l’envoyer à la bibliothèque du Roi. Voltaire se chargera de finaliser sa publication. Voltaire, très affecté par cette disparition quitte alors le château de Cirey, « son paradis terrestre ».


La petite Adélaïde, qui naît des amours d'Emilie et de Saint Lambert bien que reconnue par Monsieur du Châtelet et finalement délaissée, meurt dans les bras de sa nourrice en 1751.

 Madame de Graffigny témoin précieux de la vie à Cirey

Françoise d’Issembourg du Buisson d’Happoncourt, épouse de Graffigny, est née en 1695 à Nancy et est morte en 1758 à Paris. Auteur du cé lèbre roman, "Lettres d'une Péruvienne", paru en 1747, elle s’inscrit comme l’une des femmes de Lettres les plus influentes du XVIIIème siècle. 

Amie de Voltaire, elle fait de longs séjours à Cirey entre 1738 et 1739. Au travers d'abondantes conversations, elle décrit avec précision, les personnes, la décoration du château, l'activité théâtrale, les instruments scientifiques et la vie quotidienne à Cirey.

Grâce à ce témoignage exceptionnel fourni d'anecdotes, nous pouvons vous proposer une visite de qualité au plus près de la réalité historique.

La triste fin  de la famille du Châtelet à Cirey

 

Après le décès d’Emilie du Châtelet en 1749, son époux le Marquis assure avec soin l’entretien du château. Lorsqu’il décède à son tour en 1765, c’est leur fils, Louis-Marie-Florent, Duc du Châtelet, qui devient maître de Cirey.

Le Duc du Châtelet épouse en 1752 Diane Adélaïde de Rochechouart. Ils n’ont pas d’enfant, mais son épouse et lui-même entretiennent une relation quasi-filiale avec leur nièce Diane Adélaïde de Damas, fille de la sœur de la Duchesse, qu’ils désignent comme héritière de Cirey.

La révolution précipite les événements. Le Duc et la Duchesse du Châtelet sont guillotinés en 1794.

Diane Adélaïde de Damas qui est devenue par son mariage Comtesse de Simiane hérite plutôt que prévue de Cirey. Mais la propriété est déclarée comme bien national et est vendue en lots.


Commence alors le combat d'Adélaïde de Simiane pour reprendre Cirey.







A Mme du Châtelet

Voltaire


Si vous voulez que j’aime encore,

Rendez-moi l’âge des amours ;

Au crépuscule de mes jours

Rejoignez, s’il se peut, l’aurore.


Des beaux lieux où le dieu du vin

Avec l’Amour tient son empire,

Le Temps, qui me prend par la main,

M’avertit que je me retire.


De son inflexible rigueur

Tirons au moins quelque avantage.

Qui n’a pas l’esprit de son âge,

De son âge a tout le malheur.


Laissons à la belle jeunesse

Ses folâtres emportements.

Nous ne vivons que deux moments :

Qu’il en soit un pour la sagesse.






Quoi ! pour toujours vous me fuyez,

Tendresse, illusion, folie,

Dons du ciel, qui me consoliez

Des amertumes de la vie !


On meurt deux fois, je le vois bien :

Cesser d’aimer et d’être aimable,

C’est une mort insupportable ;

Cesser de vivre, ce n’est rien.


Ainsi je déplorais la perte

Des erreurs de mes premiers ans ;

Et mon âme, aux désirs ouverte,

Regrettait ses égarements.


Du ciel alors daignant descendre,

L’Amitié vint à mon secours ;

Elle était peut-être aussi tendre,

Mais moins vive que les Amours.


Touché de sa beauté nouvelle,

Et de sa lumière éclairé,

Je la suivis ; mais je pleurai

De ne pouvoir plus suivre qu’elle


François-Marie Arouet

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